LAÏKA – de Celestini

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NOTE SPECTATEURS …… 

Pierre-Yves Le Louarn : retour au Théâtre de La Passerelle avec « Laïka »… Comédien et homme de qualité, Pierre-Yves Le Louarn a marqué profondément celles et ceux qui eurent le bon réflexe de partager son investissement et sa performance dans « Les soliloques du pauvre », constitués de textes de Jehan Rictus, monologue mis en scène en mars 2018 par Michel Bruzat.
Cette fois, du mardi 12 au dimanche 17 novembre, cédant – avec plaisir ! – à une nouvelle invitation du « boss » de La Passerelle, et toujours judicieusement accompagné par Sébastien Debard à l’accordéon, Pierre-Yves Le Louarn va s’investir dans « Laïka », un texte d’Ascanio Celestini, « le nouveau Dario Fo », engagé comme lui dans son temps, sachant dénoncer son époque sans oublier d’en rire. Traduit par Patrick Bebi, cet hommage aux laissés pour comptes, doit son titre au nom de la petite chienne qui fut envoyée dans l’espace par les Russes. Ici, il revêt la défroque d’un Christ rebelle du XXI° siècle à la manière d’un Tirésias de tragédie.
Un nouveau monologue dans la continuité des « Soliloques du pauvre », instantanés d’une « chienne de vie » que présente ainsi Michel Bruzat, se réclamant à la fois d’Albert Camus (« Nous sommes une solitude solidaire »), et d’Arthur Rimbaud (« J’ai un devoir de chercher et la réalité rugueuse à étreindre ») :
« Le Jésus d’Ascanio Celestini est un Jésus mort et il a besoin de quelqu’un pour lui dire ce qui se passe sur la terre… pour lui donner des nouvelles des invisibles…. le quotidien des grands blessés des temps modernes.
« D’un point de vue littéraire et politique on n’avait rien lu de tel depuis Dario Fo et Pasolini, il est le narrateur de l’Italie. Cet opéra des gueux raconte comment le capitalisme achève aujourd’hui de massacrer ceux qu’il a exclus depuis longtemps : réfugiés, chômeurs, vieux, handicapés, fous… Un regard lucide sur cette société qui court à sa perte.
« Célestini préfère la fable aux tracts, la poésie du réel aux slogans. Un texte âpre, cynique et drôle. Une fable incroyable… au final une grande leçon de vie. C’est le contraste avec le monde de la réussite, des bruyants, des gagnants, un art ensemble… »
D’où sortent les mots de Laïka ? Depuis quel endroit cet homme qui raconte sa journée nous parle t-il ? interroge Pierre-Yves Le Louarn : « Sa voix éclate, décloisonne nos groupes, nos familles, nos ensembles d’amis, nos classes sociales, nos ethnies. Alors d’où viennent ces mots qui touchent le bas et le haut, le spirituel et le matériel, le laborieux et le subtil? Ces mots qui s’adressent aux pauvres, aux riches, aux malades, aux bien-pensants ? Ils viennent de l’endroit où naissent les mots du fou ou du poète : du coeur, de cette place de village où l’on peut parler à tous. »
 

– « Laïka », d’Ascanio Celestini, par Pierre-Yves Le Louarn et Sébastien Debard (accordéon) ; mise en scène Michel Bruzat ; scénographie et lumières Franck Roncière ; costumes Dolores Alvez Bruzat : du mardi 12 au samedi 16 novembre à 20h et dimanche 17 à 18h, au Théâtre de La Passerelle, 5, rue du Général-du-Bessol, à Limoges (05 55 79 26 49).
(Carnet de Chris – 05.11.19).


Hugo: « Quiconque a vécu solitaire sait combien le monologue est dans la nature…Parler tout haut, tout seul, fait l’effet d’un dialogue avec le Dieu qu’on a en soi. C’était, on ne l’ignore pas, l’habitude de Socrate ».

Ici le monologue est un torrent qui monte vers Dieu du dedans du monde, du monde cassé, brisé, anéanti, de cette humanité de peu que Celestini nous balance à la gueule. De peu cette humanité ? Mais non, à chaque mot qu’elle dit, manutentionnaire blanc ou noir, prostituée, vieille femme, Hawking, etc. on entend l’essentiel de l’amour nécessaire, de la saloperie égoïste à vaincre, de la torture au travail à condamner, de l’isolement glacé à briser.

On entend à travers rires, hoquets, et hop une genièvre, répétitions, pas hésitants et appels au frère public par un mouvement de tête, un sourire, une larme, cette musique d’amour humain qui travaille Agostini et qu’exprime si fort Pierre Yves Le Louarn, remarquable.

La logorrhée terrible, irrésistible, du monologue fabrique une vie, des vies quand on n’a pour les vivre que des mots pour rêver ce qu’on n’a pas. Cette corde à noeuds de mots, phrases, descriptions inachevées, syncopes, pleurs, délires, cette corde à noeuds tendue entre l’enfer et le paradis fantasmé, moqué, cassé par la lucidité glacée du désespoir, tous ces personnages de l’entrepôt, du supermarché, du bistrot, du parking, la grimpent en rigolant. Et nous, on a froid, on a chaud, on les voit, on a honte de ne pas donner la pièce qu’il faudrait donner, la clope ou le paquet, on se retient de rire quand même parce que bon, enfin. On ne sait plus très bien où l’on est, où il faudrait être. Mais enfin on a compris que dans le ciel glacé, larguée par la folie d’hommes avides, monstrueux, fous de compétitions épouvantables, une petite chienne est morte. Et que cette histoire est une manière de nous connaître nous-même.

Sébastien Debard tient dans ses bras d’accordéoniste subtil la petite cordée. Mise en bistrot haletante et liquide de Michel Bruzat. Décors, éclairages, costumes de Franck Roncière et Dolorès Alvès Bruzat.

Vous avez jusqu’à dimanche 18h ( tous les autres soirs à 20h) pour aller voir ce très majuscule soliloque.

Réservations: Théâtre de La Passerelle (5, rue du général du Bessol – 87 000 Limoges) 05 55 79 26 49   theatre-de-la-passerelle87@orange.fr

Eric FABRE
14, rue Maryse Bastié
87570 Rilhac-Rancon
0680954192


Ascanio Célestini a écrit un conte où les héros ne sont pas des princes et des princesses mais des manants habitant un petit immeuble. Le supermarché y remplace le château, un entrepôt géant la mine des sept nains et le café serait une sorte de chaumière où l’on peut encore se réchauffer en partageant des coups de genièvre.

Et dans ce café, le héros est un monsieur tout le monde, un habitué, un gars qui aime bien boire un coup et pas refaire le monde, non, mais dire le monde qui l’entoure. Notre gars est lucide et il connaît bien son monde, les petites gens qui triment, qui se font des embrouilles, les déclassés, les hors jeu, ceux qui s’accrochent et ceux qui décrochent.

Ce n’est pas un plaidoyer, c’est un conte qui nous invite à écouter ces « vies minuscules » et entendre leur chant à la fois passionné, drôle, grave, irrévérencieux, généreux et vivant, terriblement vivant.

Le gars du café, c’est Pierre Yves Le Louarn. C’est lui le conteur magnifique, assoiffé de genièvre et d’amitié, c’est lui le conteur lucide, tendre et émouvant, drôle et impétueux, c’est lui qui nous fait traverser les murs pour éclairer notre lanterne.

La mise en scène de Michel Bruzat atteint la quintessence de son art car l’être et être irriguent la Passerelle.

On dit qu’aller au théâtre est toujours un risque, le risque d’être déçu mais aussi celui d’être ravi, enchanté, remué, et même bouleversé. « Laïka » est un beau risque à prendre.

Mauricette Touyéras
(Que vous avez aimé dans « Le journal d’une femme de chambre » de Mirbeau, « Les Bonnes » de Genet « Grisélidis Réal »)

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