Le Théâtre
Lorsque vous franchissez le seuil du théâtre de la Passerelle, vous entrez dans un lieu de vies et d’histoires. Il n’y a qu’à regarder autour de soi… les centaines d’affiches qui vous entourent racontent l’itinéraire d’une salle qui a vu défiler tant d’âmes dont elle garde la mémoire !
Arrêtez vous, regardez, lisez, feuilletez, …
Le Théâtre de la Passerelle, est constitué d’une salle unique, pouvant accueillir une centaine de spectateurs.
Sa configuration originale, en arène, offre une proximité rare avec les comédiens.
Parfaite immersion dans l’instant…
La Passerelle,
des mots contre les maux
L’histoire du théâtre de la Passerelle est celle du rêve d’un homme : Michel Bruzat.
Enfant du quartier des Casseaux à Limoges, il se consacre d’abord au sport ; son intéret pour les textes se révèle dans quelques projets qu’il mène avec ses camarades de classe du lycée Gay Lussac, puis dans son choix de suivre des études de lettres à l’université.
C’est à la fin des années 60, qu’il croise deux pionniers essentiels dans le développement du théâtre dans cette région : Jean-Pierre Laruy et Georges-Henri Régnier. Au côté de Christian Duc, Pierre Sénélas, Monica Boucheix et Frédéric Cerdal, Michel Bruzat, maîtrise de lettres dans le cartable, éprouve alors sa capacité à « faire le comédien ». Ensemble, ils vont investir un lieu chargé d’âme et d’histoire : la chapelle de la Visitation, rebaptisée « Théâtre de la Visitation ».
Des Tréteaux de la Terre et du Vent avec Hassan el Geretly, antenne saisonnière et ambulante du Centre théâtral limousin, à la confortable scène du Grand Théâtre, encouragé par Jacques Alméras, le directeur du Crous de l’époque, Michel Bruzat se convaincra de l’urgence de poser les fondations d’un lieu où il ancrerait sa propre troupe et où il distillerait à l’envie sa propre pédagogie. « Tout était compliqué, trouver un lieu pour répéter et pour jouer, il fallait donc s’offrir un hébergement permanent afin de se sentir chez soi… ».
Au milieu des années 80, alors que, fraichement sorti du Creps de Toulouse et prof’ de gym débutant, il se multipliait dans différents établissements de la métropole limougeaude (Turgot, Jean-Monnet, Greta, Moulin-Rabaud, IUT) tout en concourant à l’alphabétisation de salariés en usine, l’occasion de bâtir ce rêve se précisa lorsque se présenta l’opportunité d’investir un magasin de fourrures cessation d’activités rue du Général du Bessol.
Réunissant son maigre pécule et mobilisant quelques belles volontés au nombre desquelles Odile Monmarson, Dominique Basset-Charcot, Dolores Alvez-Bruzat et Fernando Lopes Fadigas, Michel Bruzat entreprend alors le tracé des contours d’une scène nouvelle.
« Tu peux faire quelque chose de ces cent mètres carrés..! » lui avait lancé, un tantinet provocateur, Vincent Grelier, un copain architecte, ajoutant « tu n’as qu’à creuser..! ». Il n’en fallait pas plus pour déclencher un processus quasi titanesque : « Le lendemain, je creusais..! » s’amuse encore Michel Bruzat, à jamais marqué par ce passage à l’acte qui paraissait insensé.
En Novembre 1987, baptisée » La Passerelle » (dans le vocabulaire technique du théâtre, désigne un plancher à claire-voie également appelé corridor qui sert habituellement de poste de commande aux machinistes), l’ex-boutique de cuir et fourrures pouvait relever le gant : répondant à l’appel de Tchekov et d’un commando composé principalement de Philippe Duclos, Sandy Masson-Morliéras, Jean-Pierre Descheix, Philippe Labonne, Jean Pellotier, Véronique Lafont, Andrea Retz-Rouyet, Alain Labarsouque et Vincent Mondy, les premiers curieux investissaient le site afin de saluer une « Cerisaie » inaugurale.
Cette première étape passée avec les honneurs, il apparut souhaitable de structurer au plus vite la fremissante foumilière, afin de lui accorder le décorum d’un vrai théâtre, fût-il de poche. Ce qui fut fait avec quelques subsides et surtout de l’huile de coude : on installa des gradins puis, après avoir précautionnesement consolidé portants et cintres, on éjecta les disgracieux piliers qui, côté cour, comme côté jardin, restraignait la scène. Avec sa centaine de places, la Passerelle pouvait désormais revendiquer sa qualification de théâtre.
Depuis cette époque, en cet intime et chaleureux lieu de vie à dimension très humaine, quelque quatre-vingts créations ont été initiées et mises en scène par Michel Bruzat, dont depuis 1993, vingt-quatre exportées avec un franc succès au festival « off » d’Avignon; une trentaine promenées un peu partout en France et à l’étranger, de Paris à la Nouvelle-Calédonie, de la Reunion à l’île Maurice et Madagascar, de l’Allemagne à la Pologne…
Au départ à la retraitre de Jean Pellotier, figure locale de la radio et du théâtre, Michel Bruzat fut convié à endosser le rôle de professeur d’art dramatique au Conservatoire à Rayonnement Régional de Limoges : une occasion supplémentaire de communiquer sa passion des mots et de la gestuelle théâtrale.
Toujours efficacement flanqué des fidèles Dolores Alvez-Bruzat, pour les costumes, et Franck Roncière pour les lumières et le son, à soixante printemps passés, ce fils d’un représentant en vins, Roger, et d’une prof’ de musique, Odette, élevé dans une exigence morale sans concessions, fonctionne invariablement aux coups de coeur ; il n’a abandonné aucune de ses motivations en cours de route : « Je ne m’assagirai jamais ! » répond-il à ceux qui s’interrogent sur la continuité de ses engagements. La reconnaissance, il l’a gagnée auprès du public et des comédiens en bataillant sans relâche, et en proposant sa conception de la vie.
Son bonheur, son mérite, est d’avoir su et de savoir, sans gesticulations pédantes, aider de jeunes comédiens à se révéler à eux-mêmes avant de s’exposer, et, pour quelques uns de susciter les bravos sur leur passage ; on pensera à Flavie Avargues, virtuose dans « Histoire du tigre » de Dario Fo et dans « l’enseigneur » de Dopagne, à l’émouvante Marie Thomas (« Histoire de Marie » de Brassaï) et Yann Karaquillo, impresionnant de rage et d’émotion maîtrisées dans des monologues pourtant ardus (Rimbaud, Genet, Koltès, Léotard, Dostoïevski) ; on pensera également à l’ancien instit’ Jean-Pierre Descheix, sans oublier Dominique Desmons, Philippe Labonne, Nadine Béchade, Laure Sirieix, Catherine Pourieux… La liste est longue !
Et on pensera à toutes ces générations de mômes qui, au Conservatoire comme dans les bahuts « option théâtre » et à la Passerelle, « toujours ouverte », ont eu la chance de s’ouvrir à un art majeur sous la conduite éclairée d’un guide qui méritait cent fois sa promotion au grade d’officier dans l’ordre des Palmes académiques, distinction que, début mars 2011 dans les salons du rectorat, lui épingla Marielle Sassi, ancienne inspectrice d’académie, experte en littérature et théâtre.
Dans son petit bureau “secret” de la Passerelle, avec entre ses mains le chapeau de Jean Pellottier, récemment disparu, qui fut son professeur au conservatoire de Limoges. Aujourd’hui, la Passerelle a ses “Amis”, association qui conduit des actions pour soutenir ce lieu en cette période difficile pour toute structure. culturelle? – photo thomas jouhannaud Il se rêvait sportif ou éducateur. Michel Bruzat est devenu metteur en scène, patron d’un théâtre et enseignant au conservatoire. Bientôt, dans son petit lieu alternatif, il retrouvera les planches
«Quand j’étais jeune, j’ai fait le CREPS (*) à Toulouse mais j’ai été collé », sourit Michel Bruzat. Il faut dire que le jeune Bruzat était classé en tennis, en squash. En 1970, il fut champion du Limousin de tennis de table. Il fit aussi beaucoup de rugby au lycée Gay-Lussac puis en fac à Limoges. Il était donc assez logique qu’il aspire à devenir professeur d’éducation physique.
C’est mon père, Roger Bruzat, un honnête homme, représentant en vins, qui m’a donné ce goût du sport. Le dimanche, on allait voir les matches de rugby à Beaublanc. Je jouais au ballon avec lui. D’ailleurs, enfant, j’avais toujours une balle avec moi. Je m’ennuyais ferme à l’école. Alors à la récré, je la sortais et jouais. Dans la rue, je jouais. Je jouais tout le temps. »
Au fond depuis, il n’a jamais cessé… Le goût du jeu mais aussi le sens du collectif, il les a retrouvés au théâtre. Et finalement, c’est l’héritage de sa mère, Odette, qu’il va faire fructifier. « Elle enseignait le piano. J’ai toujours entendu des notes à la maison, des notes et des rires ! C’est d’elle que je tiens l’idée de l’apprentissage par le plaisir », explique celui qui s’est toujours senti pédagogue. Du coup jeune homme, il passa aussi les tests pour intégrer l’école d’éducateur à Bordeaux. Il les réussit. « Mais cette fois, c’est moi qui n’y suis pas allé », sourit-il encore.
En revanche, depuis vingt ans, sa fibre pédagogue s’exprime dans les cours d’art dramatique qu’il donne au conservatoire de Limoges. Il accueille les élèves à La Passerelle. « J’ai formé des milliers d’enfants et de jeunes, avec le désir de les accompagner dans l’épanouissement de leur personnalité. » Passionné par les pédagogies Freinet et Montessori, c’est le but premier de son enseignement.
Comment le théâtre est-il entré dans sa vie ? Il ne saurait dire… Par les auteurs, c’est certain. Très tôt, ils ont accompagné sa vie, sa réflexion. Depuis la création de La Passerelle en 1987, il en a défendu beaucoup : les classiques – Molière, Montaigne, Rabelais, Rousseau, Voltaire – mais aussi les contemporains – Michel Tremblay, Calaferte, Dario Fo, etc.
« Nous partions de rien »
« A « Gay-Lu », je montais déjà des pièces », raconte-t-il. A la fac, sa maîtrise de lettres portera d’ailleurs sur « la place de l’acteur dans la société ». Il faut dire que dès 1965, il suit les cours de théâtre au conservatoire de Limoges. Il fut élève de Jean Dorsanne et de Jean Pellottier, récemment disparu.
Dans les années 1970, le jeune Michel Bruzat est engagé comme acteur au Théâtre du Limousin, centre dramatique national itinérant dirigé par Jean-Pierre Laruy et Georges-Henri Régnier. Il joue en France, à l’étranger, au petit théâtre de La Visitation à Limoges. Il joue Karl Valentin, Alice au Pays des Merveilles, Shakespeare… C’est ainsi qu’il rencontre Pierre Valde, homme de théâtre qui enseigna aussi à Gérard Desarthe ou Jean-Luc Bouté. « J’allais le voir à Paris. C’est lui qui m’a appris que le théâtre est un métier d’artisan où il ne faut jamais tricher ».
Fort de cette nouvelle vision, il quitte le centre dramatique pour participer à la création, en 1977, des Tréteaux du Limousin. Cette troupe réunissait tous ceux qui ont fait évoluer le théâtre à Limoges et en Limousin dans les années 70-80. Cette équipe réunissait Andrée et Max Eyrolle, Alain Labarsouque, Dominique Basset-Charcot, Patrick Michaelis, Jean-Louis Verdier, Katia Henkel. « Nous partions de rien. Avant les années 1970, le Limousin était théâtralement une quasi jachère. Nous jouions à La Visitation et partout en région, dans les villages, les petits lieux. C’était la folie ! C’était la galère ! C’était magnifique ! » Un rôle qu’il joua marque cette époque : Martin Nadaud, maçon creusois devenu député. Mais toute belle histoire a une fin…
Michel Bruzat décide ensuite de « créer sa maison ». En 1987, avec des amis, il transforme un magasin de fourreur en théâtre de la Passerelle, rue du général-Bessol. En 28 saisons, il y a monté 80 spectacles.
Poésie et délicatesse
Chacun fut une déclaration d’amour à un auteur mais aussi à des acteurs fidèles, qui constituent sa famille artistique, Yann Karaquillo, Marie Thomas, Flavie Avargues, Jean-Pierre Descheix et tant d’autres ! La Passerelle est aussi leur maison… « J’ai cette utopie d’un théâtre où après la représentation, on quitte la salle plein d’espoir de changement dans la société. »
En parlant d’utopie… Michel Bruzat a connu toutes celles du XX e siècle. Il a fait Mai 68. Il a vécu en communauté. « Aujourd’hui, quelle régression ! La montée du FN me fait peur. Avec 17 %, ça peut aller vite. Mais je reste un utopiste debout, avide de poésie. Ce sont la poésie et la délicatesse qui manquent à notre monde. »
En jouant Pessoa, il veut justement partager un moment de poésie. Le texte évoque un homme qui lui ressemble. En butte au prosaïsme, il n’en poursuit pas moins ses rêves…
(*) Centre de ressources d’expertises et de performances sportives.
Muriel Mingau
Plus de 30 saisons de mise en scène par Michel Bruzat
1991-92 | – Le Misanthrope | Molière | tournée AF AA en Allemagne |
| – Le Frigo | Copi |
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| – Ubu | Jarry | coup de coeur Méridionnal et France Culture, Avignon off |
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| Musset |
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| – Alice au pays sans merveilles
| Dario Fo et Franca Rame
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| – Quatre à quatre | Michel Garneau |
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| – Un riche, trois pauvres | Louis Calaferte | festival de Blaye |
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| festival off d’Avignon ; tournée en France, Suisse, Tunisie. |
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– Histoire du tigre |
Dario Fo | festival off d’Avignon ; tournée en France |
| – Histoire du tigre | festival « Rencontre théâtrale Franco-Allemande » de Sarrebrück ; prix d’interprétation et prix du public | |
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– Scène de vie conjugale |
Ingmar Bergman | festival off d’Avignon |
| – Le Misanthrope |
| Création du pôle de Lanaud ; festival off d’Avignon |
| – Les petites chemises de nuit… Une vie | festival off d’Avignon | |
| – Lettre au père | Kafka | festival off d’Avignon |
| – Antigone | Sophocle | festival off d’Avignon |
| – Bernard Dimey, roi de Rien | festival off d’Avignon | |
| – Les Bonnes | Genet | festival off d’Avignon |
| – Histoire de Marie | Brassaï | festival off d’Avignon |
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– L’Enseigneur |
| festival off d’Avignon |
| – L’Enseigneur | festival de Blaye ; festival de théâtre « seul(e) en scène » au Trianon à Paris, France métropolitaine, îe de la Réunion, nouvelle Calédonie, centre culturel d’Alger | |
| – Journal d’une femme de chambre | Mirbeau |
2010 | – Le cabaret de la vie | Jean-Pierre Siméon | festival off d’Avignon |
2011 | – Montaigne | festival off d’Avignon | |
2011 | – Le discours de la servitude volontaire | la Boétie | |
2012 | – L’Eloge de la folie | Erasme | |
2012 | – Le journal d’une femme de chambre | Mirbeau | Festival off d’Avignon |
2012 | – Je suis le vent | Jon Fosse | |
2013 | – Les carnets du sous-sol | Dostoievski | |
2013 | – La vie va où? | Michèle Guigon | |
2013 | – Big Bang ou la vie d’un professeur de philosophie | Philippe Avron | |
2014 | – Stabat Mater Furiosa, Big bang et l’Acteur Loup | J. Pierre Siméon André Bénédetto Philippe Avron | Festival Off Avignon |
2015 | – Sol « Comment va le monde ? » Marc Favreau | Marie Thomas | Festival Off Avignon |
2016 | – Grisélidis l’insoumise | Mauricette Touyéras | |
2016 | – Discours à la nation – Ascanio Célestini |
Charlotte Adrien Pablo Brunaud |
Festival Off Avignon 2017 |
2016 | – Histoires d’hommes – Xavier Durringer | Delphine Valeille | |
2017 | – Saleté – Robert Schneider |
Yann Karaquillo Laurent Rousseau |
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2017 | – FRANCOIS MOREL/ DESMONS | Dominique Desmons | |
2017 | – GARNEAU / BORI |
Edgar Bori Jean-François Groulx |
Théâtre Outremont Canada en avril 2018 |
2017 |
– LE TESTAMENT DE VANDA – Jean-Pierre Siméon |
Delphine Valeille | |
2017 | – Alcool fort | Juliette Farout | |
2017 |
– COMME DISAIT MON PERE suivi de MA MERE NE DISAIT RIEN – Jean Lambert-wild |
Natalie Royer | Co-Réalisation avec le CDN de l’Union |